La fin de la ferme de la Houle ? - Décembre 2024

Actuellement, le projet de la ferme de la Houle pourrait disparaître.

La ferme de la Houle
5 min ⋅ 29/12/2024

La ferme de la Houle sera ou ne sera pas

Aujourd’hui, je ne vais pas vous parler des quelques détails de mon aventure agricole comme ma présence au Forum de l’alimentation et de l’agriculture à Saint-Coulomb, l’achat d’une serre en 3 jours pour 1900 euros, mes recherches sur la label HVE, ma rencontre avec la mairie de Cancale, l’étude du cycle de l’eau sur la parcelle de Terrelabouët ou encore la fin du broyat de déchets verts gratuits à la déchetterie de Cancale (possiblement suite à un amendement de Bruxelles - je n’ai pas vérifié cette information).

Pourquoi ? Simplement parce que j’ai un sujet qui me vaut quelques insomnies (si j’avais su que l’agriculture perturberait plus mon sommeil que mon fils 😅) et qui, à l’image de la crise agricole que subit la France et l’Europe, j’ai un exemple simple et basique sur votre territoire qui explique une partie du problème : l’accès au foncier agricole, qui est la cause principale des abandons de projets agricoles.

🎼 Lun-di, mar-di, mercre-di, jeu-di, vendre-di, same-di, dimanche !

Avant de commencer, je voulais vous illustrer, grâce à mon joli graphique ci-dessus, mon état d’esprit du quotidien. Dans l’agriculture, et plus généralement dans l’entrepreneuriat, les émotions sont beaucoup plus intenses car il y a effectivement beaucoup d’enjeux. Il n’y a pas vraiment d’entre deux, c’est toujours en dents de scie. Je ressens des émotions intenses et d’un jour à l’autre, je passe du sentiment d’abandon à celui du combat ; c’est très troublant car je me demande 1 fois sur 2 pourquoi je voulais abandonner, et inversement, pourquoi je suis convaincu de poursuivre. Mais passons et rentrons dans le vif du sujet, vous allez mieux comprendre !

Déjà 11 mois que je me bats pour la ferme de la Houle

Comme vous le savez déjà, je m’efforce de développer un projet de ferme agroécologique et paysanne dans les Hauts de la Houle. Après avoir remué les boîtes aux lettres des propriétaires, j’ai finalement eu plusieurs touches dont une bien concrète : une terre agricole des Hauts de la Houle est à vendre ! Mille sabords !

Mes yeux se mettent à pétiller, mon cœur s’emballe, mes mains tremblent, mon sang se glace et je sens toute l’émotion m’envahir : est-ce vrai ? vais-je vraiment accéder à du foncier agricole qui se trouve à quelques mètres de la maison de feu ma grand-mère, de la crèche de mon fils, en plein cœur de Cancale ? Mon utopie pourrait-elle se réaliser ? Car, des terres agricoles à vendre dans le pays de Saint-Malo, c’est une aiguille dans une botte de foin.

Cette terre est un symbole unique. J’ai sillonné la Houle depuis ma tendre enfance à y faire fondre la falaise, j’ai observé cette ville à la faire rougir et après ces longues années de relation à distance, mais toujours fidèle, j’y suis revenu, dès que j’ai pu, pour la chérir et l’embrasser de mes rêves d’enfants. Comment imaginer que les choses avancent aussi vite ? Bien évidemment, tout n’est pas karma, au contraire. Au fur et à mesure, j’ai tissé des liens forts avec des gens de Cancale et de fil en aiguille (en réf. à l’aiguille de la botte de foin 😉), les mots se soufflent, les idées naviguent et les ancres se posent ; c’est un peu grâce au vent mais surtout à la voile que j’ai tendu que je suis arrivé dans le salon des propriétaires de cette terre que je convoite.

La rencontre des propriétaires

En tant que jeune gars de la banlieue qui travaillait dans le numérique, je ne sais pas vraiment m’y prendre, je ne connais pas les codes agricoles mais j’y vais avec toute mon humilité, mes espoirs et ma simplicité (et mon fils que je devais récupérer à la crèche avant - pas la meilleure idée je le conçois 😅).

Après plusieurs rencontres et lettres, j’apprends grâce à mes petits oiseaux du large que les propriétaires ne souhaitent pas me vendre la parcelle pour des raisons qui me sont encore inconnues. Mon rêve se fissure.

J’apprends que je ne suis pas le seul à convoiter ces terres, ou en tout cas, que je ne suis pas seul sur la liste des potentiels acquéreurs. J’ai eu écho que des particuliers souhaitaient acquérir cette terre agricole. Je pense que ces particuliers connaissent mon existence, je crois les avoir rencontré fortuitement, j’ai échangé quelques mots avec eux sur mon projet mais rien de plus si je ne me trompe pas - je ne les accable pas (s’ils voient mon article, n’hésitez pas à me contacter : fermedelahoule@gmail.com, j’aimerais pouvoir discuter avec vous de mon projet) !

C’est un coup de massue pour moi, car cette vente, c’est le début ou la fin de la ferme de la Houle. Cette parcelle se situe à côté de mon premier potager. La parcelle en vente fait environ 7000 m2 et ne pas y accéder, c’est donc condamner mon projet de ferme de la Houle.

Recette de cuisine d’un gars d’la Houle

J’ai donc obtenu cette information ; la parcelle est en vente actuellement, le dossier est chez le notaire en faveur d’un particulier.

Dans la suite logique des choses, le notaire doit notifier la SAFER, organisme qui régit l’achat et les ventes de terres agricoles, pour qu’elle préempte (ou non) la parcelle afin de la restituer à des acteurs du territoire (agriculteurs, commune, association…). Et c’est là que ma recette de cuisine commence, car tout est assez flou. Ni une ni deux, j’ajoute mes ingrédients :

Je contacte la SAFER afin de les notifier que la parcelle est en vente, je mets bien évidemment en copie, une responsable foncière de Saint-Malo-Agglomération, car figurez-vous que la parcelle fait parti du programme de Reconquête Agricole (une prime de 1000€/hectare est versée au vendeur si la terre reste en production légumière). J’ai aussi mis en copie des responsables du département d’Ille-et-Vilaine qui détiennent de nombreuses parcelles dans les Hauts de la Houle pour préserver le littoral.

Je contacte aussi la mairie de Cancale et leur demande de soutenir mon projet par une lettre, ce qu’ils font.

Je contacte aussi quelques relations à droite et à gauche : le voisinage, un clerc de notaire, des associations Cancalaises, des syndicats, des agriculteurs pour avoir un maximum d’informations - tout simplement parce que nous sommes dans une région où le foncier est un sujet sensible.

Je ne rentrerai pas dans tous les détails de cette histoire. Il me semble aujourd’hui que tout se déroule dans les règles de l’art pour le moment, mais je ne vous cache mon inquiétude car la SAFER a 2 mois pour préempter la vente.

Pourquoi j’y mets tout mon cœur ?

Cet évènement est un symbole selon moi à plusieurs titres :

  • La conservation des terres agricoles dans le pays de Saint-Malo est un enjeu majeur (cf. Diagnostic Alimentaire du Pays de Saint-Malo), nous ne sommes pas de très bons élèves,

  • L’installation des jeunes agriculteurs doit être une priorité ; le facteur principal d’abandon étant l’accès au foncier,

  • La préservation du territoire dans un intérêt collectif et pour une agriculture agroécologique,

  • La préservation des Hauts de la Houle, zone remarquable et sensible (cf. éboulement dans les années 90) donc d’une importance vitale,

  • Et puis, évidemment, je tiens à mon projet de la ferme de la Houle qui ne verra pas le jour si cette parcelle disparaît des radars, c’est la seule opportunité pour le moment, et elles seront très rares.

J’ai bien évoqué à la SAFER tous les critères de mon projet car lors des commissions d’attribution des terres agricoles, il faut remplir certains critères mais c’est à la commission de choisir.

Voilà… maintenant, vous vous demandez ce que vous pouvez faire peut-être ? Je n’en ai aucune idée, je suis un peu seul face à ce parcours du combattant, comme beaucoup d’autres, et surtout, je vois le printemps qui se rapproche froidement ; un printemps de manquer, c’est une année de perdue et la remise en question de mon projet de reconversion. Tout ça pour planter quelques bulbes d’ails, c’est assez ironique vous ne trouvez pas ? Tout ce travail, pour simplement “quelques légumes”… vous comprenez mieux les panneaux retournées des villes ? Ce n’est évidemment pas pour ce sujet, mais ça vous donne une idée.

Note pour l’équipe technique de Cancale, c’est un montage photo 😅

Il y aura une fin à cette histoire, peut-être dans quelques semaines mais possiblement dans plusieurs mois, voire plusieurs années.

Encore une fois, si les potentiels acquéreurs souhaitent connaître mon projet, mes valeurs, échanger avec moi et si je peux les convaincre qu’ils seront gagnants dans cette histoire, ma porte est ouverte.

Passez de belles fêtes de fin d’année 🙏

Robin ✌️
Pour les enfants de la Terre

La ferme de la Houle

Par Robin G

À qui s’adresse la ferme de la Houle ?

Aux habitants de la commune de Cancale qui souhaitent manger des légumes de leur commune mais pas que.

Aux curieux, à ceux qui se posent des questions, à ceux qui ont toutes les réponses, à ceux qui rêvent de changement, à ma génération, aux plus jeunes et moins jeunes, aux cols blancs et cols bleus, aux conseillers bancaires comme aux ouvriers du bâtiments, aux futurs agriculteurs, à ma femme, à mon fils qui lira surement ces lignes un jour !

Qui suis-je ?

Robin, la trentaine, ex-banlieusard dans le 78.

Je travaillais par le passé dans le secteur tertiaire, dans le monde des startups en tant que Growth Manager - manager de la croissance - derrière un bureau, devant un écran plus de 8 heures par jour, jusqu’au jour où j’ai tout arrêté.

Maintenant, je suis paysan-maraîcher (j’essaie) sur la terre de mes ancêtres, à Cancale, là où l’histoire de ma famille a commencé et où finira surement la mienne.

C’est l’histoire d’une révolution systémique.