Juin, juillet, août, septembre... le temps passe, les mots s'effacent.

Vous prendrez bien un peu de temps ?

La ferme de la Houle
6 min ⋅ 05/10/2025

Édito

Certains vous souffleront peut-être dans l'oreille que mon projet agricole patine, mais croyez-moi, que ce soit des idées ou des tomates qui poussent, il prendra forme d’une manière ou d’une autre. Je vous en conjure, vous ne trouverez jamais votre bonheur en jugeant et en répandant votre triste âme. Au contraire, vous n'y trouverez qu’une plus grande solitude et une plus grande tristesse.

Alors, vous, qui vous adressez aux jeunes, dans vos excès démoralisants et démotivants. Vous, qui voulez nous faire douter. Il n'y a plus d'espaces, ni de temps pour vos éloges narquoises et vos manipulations lexicales. Comme les lois de la physique, un jour ou l’autre, les équilibres se retrouvent et les vérités éclatent. Conservez vos mots et votre empirisme pour de plus beaux travaux, il y en a 1000 qu’il nous faut achever.

La jeunesse sera toujours l’avenir de nos vies.

PS : vous pouvez lire la suite de la newsletter avec cette musique en fond.

Sans transition, savez-vous pourquoi j'aime tant l'agriculture ?

Car c'est une appréciation fondamentale de la notion de temps. Le temps, je le déguste, je l’apprécie, je vis chaque seconde. En désherbant des carottes, vous devenez maître du temps et du sens de votre vie. Votre existence devient incontestable : vous vivez pour produire, vous produisez pour nourrir, vous nourrissez pour vivre.

Prendre le temps - écossage de Coco de Cancale.

Et c'est de ça qu'une partie de la jeunesse est éperdument amoureuse : le sens de la vie.

Alors, je vous pose la question, combien de temps pourriez vous tenir à désherber une planche de 50 mètres ? Je pense que si j’avais 15 ans et que l’on me proposait de désherber une planche de carottes, je n’y verrais absolument aucune utilité. Mais aujourd’hui, force d’apprentissage, de rencontres, de voyages, de compréhension du monde et surtout de la vie du sol - le patrimoine de l’humanité par excellence - le désherbage d’une planche de carottes me semble être d’une importance anthropique primordiale.

Et vous, pensez-vous apprécier comme il se doit le temps qui vous est donné ?

Contre vents et marées, j’essaie d'avancer dans mon projet agricole. Il ne s'agit pas simplement de faire pousser des tomates mais de faire germer une nouvelle façon d’apprécier la vie car j'ai appris le bonheur, il est simple et basique comme écosser des cocos de Cancale en famille.

Sans transition ; les Hauts de la Houle, aujourd’hui encore et pour toujours.

Aujourd’hui, j’ai décidé de vous donner plus de détails concernant mon utopie agricole des Hauts de la Houle. Je le fais stratégiquement, car, depuis 2 ans, j’essuie des refus, voire même des actions pour le moins surprenantes, et tout à fait désagréables.

Il y a quelques temps, j’ai appris qu’un maraîcher que je connais avait proposé au propriétaire de la parcelle que je souhaite acheter depuis 2 ans, d’y mettre ses chèvres/moutons. Alors, chacun se fera son avis, mais, alors même que cette personne connaît mon projet, pour lui en avoir raconté en toute confiance les tenants et les aboutissants, ce fut pour moi une très désagréable surprise. Étant dans la concertation, la coopération, l‘échange, la recherche de force collective ; mes bras m’en sont tombés. Alors, vous me direz que c’était simplement pour entretenir la parcelle ; croyez-moi, compte tenu de nos antécédents, mettre ses moutons ou ses chèvres sous mon nez sans m’avertir fut pour moi une intention de très mauvais goût. Pour rappel, la charte politique de l’Agriculture Paysanne rédigé en 1998, le principe n°1 est :

Principe n°1  : Répartir les volumes et les moyens de production afin de permettre au plus grand nombre d’accéder au métier et d’en vivre.

Loin de moi de dire que ces terres me reviennent de droit mais j’expose ici, encore et toujours, les difficultés d’accès au foncier - ou la guerre des terres. Entre les refus des propriétaires, les non-réponses, la pression foncière et les pairs agricoles, il risque d’y avoir quelques tensions pour les 7 millions d’hectares qui seront bientôt disponibles en France - suite au départ à la retraite de nos fidèles et courageux agriculteurs.

Qu’est-ce que cela m’apprend ? C’est malheureux, mais j’ai du augmenter mon niveau de vigilance et de méfiance - l’habit ne fais pas le moine - malgré tout, je me bats contre moi-même pour continuer à faire confiance en l’être humain car sans espoir, il n’y a pas d’avenir - sans pardon, il n’y a pas de paix.

Je vous dis les choses à cœur ouvert car la vérité est la paix.

Et si la coopération, plutôt que la concurrence, était l’avenir de nos systèmes ?

Voici en une image, mon projet des Hauts de la Houle, avoir quelques terrains dédiés à la recherche, l’expérience, la découverte, l’apprentissage, chaque terre aura une destination, toujours agroécologique et dans le respect. Alors, propriétaires, êtes-vous prêts ? Du premier mètre carré au 7 prochains millions de m2, l’avenir de vos enfants reposent au creux de vos mains.

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Sans transition ; continuons à parler vrai, parlons chiffres !

Je vais vous donner quelques chiffres sûrement difficile à mettre en perspective dans notre vie de tous les jours ! J’ai eu cette idée grâce à la newsletter de Guillaume, il nous parle d’agriculture et de qualité des sols. Plutôt que de réécrire tout ce qu’il dit, voici quelques chiffres et idées (qui, elles, sont les miennes) :

1 agriculteur sur 5 vit sous le seuil de pauvreté en France, soit avec moins de 1 120 € par mois -

► Idée : un de mes projets est de créer le pourboire des producteurs, et si, comme pour un serveur, nous laissions un peu de monnaie à nos producteurs ? Lorsque vous payez votre dû, arrondissez au supérieur !

50 % des fruits et 60 % des légumes consommés en France sont importés, alors que la France est une puissance agricole majeure.

► Idée : et si vous plantiez des fruitiers dans votre jardin ? Et si, comme moi, vous mettiez à dispositions vos surplus devant votre maison ? Et si vous participiez à la réalisation d’un verger collectif… ?

En 40 ans, la France a perdu plus de la moitié de ses exploitations agricoles : en 1980, il y en avait environ 1,6 millions, contre seulement 389 000 en 2020 soit une perte de 75%

► Idée : et si vous deveniez un investisseur dans la résilience de votre pays ? La foncière Fève ou Terre de liens - je ne les connais pas de l’intérieur - permet d’investir dans des exploitations agricoles. Autrement dit, dans la capacité future à nourrir vos enfants et vos petits enfants sur le long terme. C’est bien ça la vie de vrai de vrai ?

Les agriculteurs captent à peine 13 % de la valeur de nos repas, alors que les intermédiaires se sont multipliés pour rendre notre alimentation toujours plus pratique.

► Idée : je ne vais rien vous apprendre mais le circuit-court, c’est LA solution : marché de producteur, marché du dimanche, on fait la queue, on va chez les producteurs directement ! D’ailleurs, plus que des mots, des actes : j’organise avec l’association l’Ec(h)o-Citoyen un marché bio de producteurs et forum, on s’y retrouve là-bas : https://fb.me/e/6Yp8w5HhI (évènement facebook à partager) !

L’une des plus dures réalité du métier :

Environ 1 agriculteur se suicide tous les 2 jours en France. Le taux de suicide dans ce secteur est 20 à 30 % plus élevé que la moyenne nationale (source : https://www.senat.fr/rap/r20-451/r20-451.html)

► Idée : bon, là c’est compliqué d’avoir une idée ingénieuse. La seule chose que je peux vous dire, c’est qu’il existe un numéro pour les agriculteurs en difficulté : Agri’écoute - 09 69 39 29 19. Vous pouvez aussi prendre le temps, échanger un café avec un agriculteur cerné, lui offrir quelques sourires et lui dire qu’on arrive, qu’on sera là, que c’est lui qui nous aide, qu’un jour, force de courage, on y arrivera malgré les mauvaises nouvelles du secteur. Lui dire que vous êtes là, que si vous avez des compétences en comptabilité, vous prendrez une après-midi avec lui, que si vous aimez écouter, vous aurez vos oreilles à lui prêter…

Sans transition ; quelques pensées écrites et photos d’un instant !

Quand on est paysan, il y a une chose qui est difficilement compatible : c’est la vie de producteur et la vie de tous les jours. Je ne vous ai pas écrit car j’ai réservé mes mots pour mon tendre ami Alex qui s’est marié dernièrement. Il y a des choix à faire, c’est parfois difficile de choisir entre nourrir et aimer, pourrions-nous vivre sans se nourrir ? Pourrions-nous vivre sans aimer ? J’ai fait mon choix d’équilibriste, alors je lui ai écris un discours et j’ai laissé mes courgettes au champ. J’ai pris le temps.

Bien entendu, cela est une métaphore, j’ai eu le temps de les ramasser ces courgettes, mais pas de la bonne taille. J’ai aussi eu le temps de ramasser mes cocos, pas eu le temps de vous les vendre, car les acheteurs sont venus, tout seul, au pied du plant.

J’ai eu le temps car j’ai pris le temps de prendre le temps. Il aurait pu s’envoler derrière les milliards de pixels qui coulent sous nos yeux, il aurait pu s’épuiser dans des nuits interminables, ou bien s’atrophier au pied du bar. Mais le temps s’apprivoise, il est de toute beauté quand on sait vivre le temps. Il est aussi d’une dureté sans frontière quand s’éteint sa lumière.

Alors, on prend le temps, le vrai temps, pas celui du passé, pas celui de demain mais le temps d’aujourd’hui, maintenant. On trace le chemin du temps, celui qui nous emmène quelque part, on ne sait pas trop où mais on y va. Comme dans ce champ, mon champ, j’avance, je ne sais pas trop où, mais c’est ce que je dois faire, même si ça semble n’avoir aucun sens mais avec toute ma conscience, j’y vais.

Sans oublier que l’on récolte toujours ce que l’on sème, vous aurez toujours le goût de ce que vous êtes. Alors, ne vous méprenez pas : si vous dansez l’espoir, vous récolterez l’amour ; si vous chantez la joie, vous apercevrez le bonheur ; si vous souriez, l’on vous sourira. C’est aussi simple que ça.

Ma saison au sein de la ferme Benaise touche à sa fin, mes récoltes des Hauts de la Houle s’amenuisent, le temps de l’automne, les soupaulits vont revenir - “une soupe et au lit” - comme on dit dans notre petit nid. Le temps du repos du corps et le retour de l’ébullition de l’esprit arrivent.

Mes potimarrons et butternuts de Terrelabouët sont prêts ! Si vous me croisez, n’hésitez pas à m’en commander !

Pour les enfants de la terre,

Robin ✌️

La ferme de la Houle

Par Robin G

À qui s’adresse la ferme de la Houle ?

Aux habitants de la commune de Cancale qui souhaitent manger des légumes de leur commune mais pas que.

Aux curieux, à ceux qui se posent des questions, à ceux qui ont toutes les réponses, à ceux qui rêvent de changement, à ma génération, aux plus jeunes et moins jeunes, aux cols blancs et cols bleus, aux conseillers bancaires comme aux ouvriers du bâtiments, aux futurs agriculteurs, à ma femme, à mon fils qui lira surement ces lignes un jour !

Qui suis-je ?

Robin, la trentaine, ex-banlieusard dans le 78.

Je travaillais par le passé dans le secteur tertiaire, dans le monde des startups en tant que Growth Manager - manager de la croissance - derrière un bureau, devant un écran plus de 8 heures par jour, jusqu’au jour où j’ai tout arrêté.

Maintenant, je suis paysan-maraîcher (j’essaie) sur la terre de mes ancêtres, à Cancale, là où l’histoire de ma famille a commencé et où finira surement la mienne.

C’est l’histoire d’une révolution systémique.